Un diagnostic de cancer a un impact énorme non seulement pour le patient mais également pour sa famille. Et dans certains cas, ce diagnostic peut aussi avoir un impact sur le risque de cancer du sein chez les membres de la famille. Dans le cas du cancer du sein, ce sont parfois des générations de femmes (et même d’hommes) qui s’inquiéteront de leur possible prédisposition.
Quels sont les gènes associés au cancer du sein héréditaire?
Il y a déjà un peu plus de 25 ans, les gènes BRCA1 (en 1994) et BRCA2 (en 1995) ont été identifiés comme étant des gènes de prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire. (BRCA signifie « BReastCAncer »). Cette découverte a contribué à l’accélération de la recherche sur le cancer et a ouvert de nouvelles voies pour la prévention et le traitement. BRCA1 et BRCA2 sont les gènes les plus fréquemment identifiés (30-40% des cas) avec le cancer du sein héréditaire. Il existe également d’autres gènes qui ont été associés à un risque accru de développer le cancer du sein tels que PALB2, CHEK2, CDH1, ATM, pour n’en nommer que quelques-uns. La recherche pourrait identifier d’autres gènes au cours des prochaines années.
Est-ce que le cancer du sein héréditaire est fréquent?
Tel que mentionné dans notre article précédent, la plupart des cancers, incluant le cancer du sein, sont sporadiques, ce qui signifie qu’ils se produisent par hasard sans cause connue. On estime qu’une femme sur 8 (12%) recevra un diagnostic de cancer du sein et environ 10% sont associés à une prédisposition héréditaire.
À la suite de la découverte des gènes BRCA, il était estimé qu’environ 1 personne sur 400 (0.25%) de la population générale était porteuse d’un variant pathogénique dans les gènes BRCA1 ou BRCA2. Au cours des dernières années, cette estimation est remise en cause par plusieurs études et il est possible que le nombre d’individu porteur BRCA soit de l’ordre de 1/200 (0.5%) ou plus. Par-exemple, une étude récente sur plus de 26000 individus « en santé » de la population générale a testé les participants pour les gènes BRCA. Un variant pathogénique ou probablement pathogénique a été identifié chez 0.66% (ou 1/151) des participants.
La recherche a également démontré que certaines populations ont un risque accru de prédisposition au cancer du sein héréditaire. On estime qu’environ 1 personne sur 40 d’ascendance juive ashkénaze serait porteuse d’une mutation BRCA1 ou BRCA2. On observe également une fréquence plus élevée de variants pathogéniques BRCA et PALB2 chez la population canadienne française.
Quels sont les risques de cancer pour un individu porteur?
Un individu porteur d’un variant pathogénique dans un gène de prédisposition héréditaire au cancer à davantage de risque de développer certains types de cancer, comparé à la population générale. Chaque gène est associé avec une augmentation de risque pour différents types de cancer, chez les femmes et chez les hommes.
Quelques exemples : Chez une femme porteuse BRCA2, le risque de développer, au cours de sa vie, un cancer du sein est entre 38 et 84% et le risque de cancer de l’ovaire est de 16 à 27%. Un homme porteur BRCA2, à un risque de 7 à 9% de développer un cancer du sein et un risque de cancer de la prostate de 20%. Les hommes et les femmes porteurs BRCA2 ont également un risque accru de développer un cancer du pancréas ou un mélanome. Le gène CHEK2 est associé à un risque de 25 à 40% de cancer du sein chez la femme ainsi qu’un risque plus élevé de cancer colorectal, chez les femmes et les hommes porteurs.
Pourquoi faire un test génétique?
Une personne porteuse aura accès à des options de dépistage et de réduction du risque différentes des options offertes à la population générale. Par-exemple, on recommande que les femmes débutent la mammographie à l’âge de 50 ans. Pour une femme porteuse BRCA1, on recommande la résonnance magnétique des seins à partir de l’âge de 25 ans à laquelle s’ajoute une mammographie annuelle à partir de l’âge de 30 ans. L’objectif est que si un cancer se développe, il y aura plus de chance de le détecter dans un stade précoce. Certaines femmes, comme Angelina Jolie, opteront pour des options de réduction du risque, telle que la mastectomie bilatérale prophylactique (ablation des seins avant de développer un cancer).
Une personne non-porteuse d’un variant pathogénique déjà connu dans sa famille, n’aura pas de risque accru de cancer malgré les antécédents familiaux et pourra suivre les recommandations de dépistages offertes à la population générale.
Qui devrait être testé?
Un test génétique est habituellement offert lorsque la personne répond aux critères utilisés par la clinique de génétique. Ces critères peuvent varier d’un centre de santé à un autre mais en général les principaux critères incluent :
- Avoir un membre de la famille avec un variant pathogénique identifié dans un gène de prédisposition au cancer.
- Avoir un diagnostic personnel ou des antécédent familiaux du côté maternel OU paternel de :
- Cancer du sein avant l’âge de 45 ans
- Cancer du sein triple négatif avant l’âge de 60 ans
- La même personne avec plus d’un cancer du sein (controlatéral ou dans le même sein) ou un cancer du sein et un autre cancer
- Cancer de l’ovaire
- Cancer du sein chez l’homme
- Cancer du pancréas
- Cancer de la prostate métastatique ou avant l’âge de 55 ans
- Ascendance Juive Ashkénaze et un diagnostic d’un des cancers mentionnés
[v]
–[vi]–[vii]–[viii] ont démontrés que 30 à 50% des individus porteurs d’un variant pathogénique BRCA ne répondaient pas aux critères pour accéder à un test génétique. Il existe actuellement des options de test génétique proactif (en prévention) qui peuvent être offert au privé lorsqu’il n’y a pas d’antécédents familiaux de cancer.
Si vous avez des questions ou inquiétudes concernant le risque de cancer du sein lié à des antécédents familiaux, n’hésitez pas à en parler à votre médecin. Votre médecin peut vous référer à un service de génétique afin de rencontrer un conseiller en génétique qui évaluera vos risques, déterminera si vous êtes éligible à un test génétique et discutera de vos options.
Nathalie Bolduc, MSc, CGAC, CGC
Conseillère en génétique agréée
[V] Neben CL, Zimmer AD, Stedden W, van den Akker J, O’Connor R, Chan RC, Chen E, Tan Z, Leon A, Ji J, Topper S, Zhou AY. Multi-Gene Panel Testing of 23,179 Individuals for Hereditary Cancer Risk Identifies Pathogenic Variant Carriers Missed by Current Genetic Testing Guidelines. J Mol Diagn. 2019 Jul;21(4):646-657. doi: 10.1016/j.jmoldx.2019.03.001. Epub 2019 Jun 11. PMID: 31201024. https://www.jmdjournal.org/article/S1525-1578(18)30334-9/fulltext
[VI] Prevalence and penetrance of BRCA1 and BRCA2 mutations in a population-based series of breast cancer cases. Br J Cancer 83, 1301–1308 (2000). https://doi.org/10.1054/bjoc.2000.1407 https://www.nature.com/articles/6691407
[VII] Grzymski, J.J., Elhanan, G., Morales Rosado, J.A. et al. Population genetic screening efficiently identifies carriers of autosomal dominant diseases. Nat Med 26, 1235–1239 (2020). https://doi.org/10.1038/s41591-020-0982-5
[VIII] Neben CL, Zimmer AD, Stedden W, van den Akker J, O’Connor R, Chan RC, Chen E, Tan Z, Leon A, Ji J, Topper S, Zhou AY. Multi-Gene Panel Testing of 23,179 Individuals for Hereditary Cancer Risk Identifies Pathogenic Variant Carriers Missed by Current Genetic Testing Guidelines. J Mol Diagn. 2019 Jul;21(4):646-657. doi: 10.1016/j.jmoldx.2019.03.001. Epub 2019 Jun 11. PMID: 31201024. https://www.jmdjournal.org/article/S1525-1578(18)30334-9/fulltext